Chapitre deux, première partie

Chapitre deux : Une convalescence mouvementée.

La poule rousse comptait ses œufs lorsque l’humain qui la nourrissait et changeait sa paille ouvrit la porte du poulailler.
« Un, deux, trois, quatre, cinq. Parfait, se dit-elle » puis elle se posa sur ses huit œufs pour les couver.
« Tient, que fait l’humain ? Je n’ai pas faim. Ma paille est fraiche. Pourquoi un jeune pigeon? »
« Il sera bien là ton pigeon, dit l’humain qu'elle connaissait à un autre humain.
- Merci. Sans toi, je n’aurais jamais pu soigner son aile. Il pourra voler à nouveau tu penses ?
- T’inquiète, il a rien de cassé, c’était juste le doigt médian et le doigt externe qui n’étaient plus alignés. J’ai remis ça en place et l’atèle fera le reste. Avec la Rousse il sera comme un coq en pâte.
- Quand même, il n’a pas l’air bien vaillant…
- La tête a cogné quelque chose de dure je pense, j’ai repéré un hématome près de l’œil droit. Il est encore dans les vapes sans doute. Mais ne t’inquiète pas, il est jeune, il respire et son cœur bat bien. Tu as eu le bon réflexe en me l’amenant et tu as eu de la chance de me trouver chez moi; j’allais partir acheter du grain et récupérer de la paille. D’ailleurs, je vais y aller : le gars pour la paille n’est pas du genre très patient, si tu vois ce que j’veux dire.
- Bien sûr, je t’en prie. Tu me diras si je te dois quelque chose…
- On verra plus tard, je te demanderai peut être un coup de main pour ma haie.
-       Ok, quand tu veux. Avec le confinement j’ai pas mal de temps libre ! Au revoir petit pigeon, remets toi bien.»
Les deux humains s’éloignèrent du poulailler et la poule rousse resta un long moment à regarder le pigeon. Il était allongé dans la paille près de la mangeoire, l’aile droite déployée et recouverte d’un bandage blanc, la gauche légèrement décollée de son poitrail et repliée.
« Tu n’a pas l’air bien en point, caqueta doucement la poule.
- Hein ? roucoula faiblement le pigeon
- Je sens ces choses là. Je vais m’occuper de toi. Je couve. Après je viens.
- Les cerises ! s’exclama tout à coup le jeune pigeon en se relevant d’un bond. Où sont les cerises ? Où suis-je ? »
Pris de panique il tenta de s’envoler mais ne parvint qu’à réaliser un petit bon, suffisant cependant pour projeter sa tête sur un poteau qui maintenait le grillage et s’assommer de nouveau. Il retomba inconscient près de la mangeoire.
« Je couve. Après je viens. Répéta tranquillement la poule»

La poule couva le reste de la matinée et fini par s’assoupir. Elle fut réveillée par d’étranges roucoulements…
« Ah les traitresses ! Ah les malines ! J’aurai du méfier ! Évidemment le cerisier les a aider, quel idiot je fais ! J’aurai du me méfier de leur air tranquille... Et mon aile qui ne peut plus voler maintenant. Et où suis-je maintenant ?... »
Lorsque la poule sorti la tête de sous son aille elle vit le jeune pigeon qui roucoulait tout seul et sautillait comme il pouvait le long du grillage.
« Tu es chez moi.
- Oh… et pourquoi je suis chez toi, dit le pigeon en cherchant une issue ?
- Un humain t’a confié à nous.
- A nous ?
- A moi et mon humain. Tiens le voilà. Il apporte du grain ! Juste quand j’ai faim !
- Du quoi ?
- Du grain. Tu vas voir, c’est délicieux. Dé-li-ci-eux ! »
Tout en parlant, la poule avait quitté son nid et s’approchait du pigeon revenu à son point de départ, près de la mangeoire.
L’humain versa le grain dans la mangeoire et de l’eau dans l’abreuvoir.
« Il y en a plus que d’habitude. C’est pour toi, c’est sur. Vas-y mange.
- Manger ? Sans chasser tu veux dire ?
- Il n’y a rien à chasser. C’est du grain.
- Hors de question ! Je suis un chasseur.
- Tu es un pigeon. Jamais vu un pigeon chasser.
- Et bien moi je chasse. Alors je ne peux pas manger ce grain.
- Trouves des vers.
- Hors de question ! Je suis un chasseur végétarien. Je ne mange que des fruits sauvages.
- Comme tu veux. Ce soir il y aura du « vert ». Pas de fruit sauvage ici… caqueta malicieusement la poule.
- Pas de ver, j’ai dit.
- Pas des vers. Du vert. Des fanes de salades. Des pluches de légumes...
- Ça se chasse ?
- Je ne sais pas. Jamais eu besoin de les chasser. »

Tandis que le pigeon et la poule roucoulocaquetaient, l’humain prit trois œufs parmi les huit que la Rousse couvait un peu plus tôt. Il sourit en voyant le pigeon faire des allers-retours près de la poule qui picorait. Puis il reparti vers sa maison, près de la volière.
Le pigeon lorgnait vers le grain avec envie. Son ventre gargouillait bruyamment. Mais il était fier. Il tenta de grimper le plus haut possible sur le nichoir et se tint aussi droit qu’il pu pour toiser la mangeoire. Il culminait à un mètre de hauteur environ.
« Bon. Je vais manger ces grains. Mais je vais au moins faire un piqué pour les atteindre.
- Comme tu veux, caqueta la poule. Mais un chasseur blessé a le droit de ne pas chasser pour manger. »
Surpris par l’aplomb et la bienveillance de la poule, le pigeon réfléchit un instant. C’est vrai que son aille droite ne lui permettait pas de piquer correctement. Mais il ne pouvait pas non plus manger comme une poule.
Finalement, il sauta de son perchoir et atterrit près de la poule, sur le bord de la mangeoire où il s’agrippa pour picorer tout son sou. La poule continua imperturbablement son repas, prit quelques gravillon à même le sol et bu quelques gorgées à l’abreuvoir avant de retourner vers ses œufs.
« Un, deux, trois, quatre et cinq. Parfait ! » Elle s’installa pour reprendre la couvaison, un œil sur le pigeon et un sourire au bec.

A une dizaine de mètres du poulailler, tapis sous une haie, deux yeux brillants fixaient eux aussi le pigeon.

Une poule qui couve et un pigeon convalescent dans le même poulailler, ça ressemble à du confinement ça ?

Oui, ça fait écho c'est sûr